Module trois : Les institutions

« Dans une institution, on vous enseigne que personne ne vous aime et que vous êtes une menace pour la société. On se débarrasse de vous et on vous oublie. On finit par mourir à l’institution, comme certains qui y sont morts. »

— Donnie MacLean, survivante de la Nouvelle-Écosse

A map of Canada with British Columbia highlighted in yellow.

Tracer la voie à suivre en Colombie-Britannique M3.V1

Au début, les familles devaient faire preuve de créativité et d’ingéniosité. Elles ont travaillé fort afin de concrétiser leur vision pour leurs enfants. Regarde cette vidéo, qui t’en apprendra davantage sur un mouvement de familles en Colombie-Britannique.

Inspirer du changement

La période de la désinstitutionnalisation est un sujet important à explorer. Dans le module deux, vous avez exploré plusieurs concepts et idées. Ces concepts et ces croyances ont gardé des personnes ayant une déficience intellectuelle emprisonnées dans des institutions et tenues à l’écart de la société pendant plusieurs décennies. Cependant, de 1945 à 1982, une série de changements importants ont vu le jour dans la société canadienne et ont inspiré un mouvement de personnes à agir et à inciter les gouvernements à fermer les institutions. Ce mouvement s’est joint à d’autres, comme celui des droits civils, afin d’attirer l’attention sur les droits de la personne des Canadiens et des Canadiennes ayant une déficience.

L’étincelle qui a déclenché ce changement s’est produite quand le public a commencé à en apprendre sur les abus graves qui se produisaient dans les institutions. Les expériences des survivants et des survivantes ont été entendues et la vérité est sortie. Des histoires sur la vie en institution ont été racontées partout au Canada, aux États-Unis et en Europe. Certains journalistes ont visité des institutions et ont filmé secrètement la vie à l’intérieur entre leurs murs. Ces reportages ont poussé les gouvernements à mener des enquêtes et à présenter des rapports. Pierre Burton et Burton Blatt sont deux journalistes qui ont montré au public ce que subissaient les résidents et les résidentes à l’intérieur. En 1971, le « Rapport Williston » a été rédigé à l’intention du ministère de la Santé de l’Ontario. Ce rapport est un exemple d’enquête menée par le gouvernement de l’Ontario. Il fait état de plusieurs cas d’abus et de certains décès attribuables à une négligence grave. Recueillis ensemble, tous ces éléments ont déclenché un appel à la justice. Des défenseurs des droits des personnes handicapées ont commencé à demander au gouvernement de fermer les institutions, tandis que les familles ont continué de s’organiser pour plaider en faveur de soutiens communautaires pour leurs proches.

Pour en savoir plus sur les mouvements sociaux au Canada qui ont eu une incidence sur l’évolution des droits des personnes handicapées, consulte le cahier de l’élève (M3.2).

 

Tendances dans les institutions et les modèles institutionnels
Les témoignages des survivants et des survivantes nous font part du genre de situations dangereuses et abusives qui surviennent dans les institutions. Réunir beaucoup de personnes dans un seul endroit est une pratique dangereuse. Lorsque les personnes n’exercent que peu de contrôle dans ces lieux, elles ne sont pas en sécurité. Voici quelques exemples d’institutions qui correspondent à ce modèle :

  • les institutions pour les personnes ayant une déficience intellectuelle;
  • les orphelinats;
  • les prisons;
  • les centres de détention;
  • les pensionnats.

Dans une entrevue à la CBC en 2018, Katherine Rossiter a indiqué (traduction) « Je n’ai pas encore trouvé d’institution qui correspond à ces critères et qui n’est pas violente ».

Mme Rossiter et la Dre Jen Rinaldi de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario (IEPO) ont mené des recherches sur la violence dans les institutions.1 Elles ont créé une liste de contrôle qui présente six éléments sur les institutions. Quand on peut répondre par l’affirmative à cinq de ces éléments, les personnes feront probablement face à des situations dangereuses.2

Les institutions engendrent de la violence quand (elles) :

  • sont utilisées pour gérer le soin de personnes « difficiles »;
  • ses bâtiments se trouvent dans des régions isolées et éloignées des lieux où vivent d’autres gens ou quand les résidents et les résidentes sont socialement isolés de la collectivité;
  • sont exploitées à des fins lucratives en vertu de règles très strictes;
  • visent à réhabiliter des personnes;
  • fournissent un logement à des personnes marginalisées;
  • le personnel exerce un grand contrôle sur les besoins et les fonctions corporels des résidents et des résidentes.

Ces éléments peuvent aussi s’appliquer aux milieux inappropriés où des Canadiens et des Canadiennes handicapés continuent d’être placés, y compris des foyers de soins et des établissements de soins de longue durée. Dans la même entrevue à la CBC en 2018, Mme Rossiter a indiqué (traduction) « Ce dont nous parlons […] ce sont les façons dont les institutions sont conçues de façon à engendrer de la violence. Il ne s’agit pas seulement d’avoir quelques mauvais employés à son effectif. Il s’agit d’une question de conception institutionnelle et c’est la tendance se maintient dans tous les types d’institutions». Mme Rossiter a également conclu ce qui suit (traduction) : « Je pense que le message est le suivant : comment pouvons-nous, en tant que société, commencer à nous concentrer sur les soins et le maintien de l’humanité des personnes qui sont considérées comme vulnérables et qui ne font pas partie de la société de tous les jours? Comment pouvons-nous nous centrer sur leurs soins et nous éloigner des modèles institutionnels? »3

À l’avenir, les Canadiens et les Canadiennes devront continuer d’être conscients du danger auquel sont exposées les personnes ayant une déficience. Tant qu’il y aura de grands établissements et une mentalité institutionnelle, les personnes continueront de faire face à un risque d’institutionnalisation. C’est un défi que la prochaine génération devra relever.

 

L’asile Woodlands

La démolition de l’asile Woodlands a été un événement important pour les survivants et les survivantes de cette institution. Sa démolition signifiait que désormais, personne n’allait être maltraité entre ses murs.

À sa construction, en 1878, cette institution était officiellement connue sous le nom de Provincial Hospital for the Insane. L’institution a fermé ses portes en 1996. L’histoire de l’asile Woodlands illustre le périple menant à la désinstitutionnalisation dans la province de la Colombie-Britannique.

Ce qui suit constitue une étude de cas sur l’asile Woodlands. À sa construction, en 1878, cette institution était officiellement connue sous le nom de Provincial Hospital for the Insane. L’institution a fermé ses portes en 1996. L’histoire de l’asile Woodlands illustre le périple menant à la désinstitutionnalisation dans la province de la Colombie-Britannique. 

D’autres liens à explorer :

Article sur la démolition de l’asile Woodlands

[Traduction] NEAL HALL, VANCOUVER SUN le 19 octobre 2011

METRO VANCOUVER – « Au revoir et bon débarras ». Voilà ce que des douzaines de survivants et de survivantes de l’école Woodlands ont dit lorsqu’ils et elles ont regardé, mardi, la démolition de la tour de l’immeuble du centre de 133 ans, le dernier vestige d’une institution connue sous le nom d’« asile provincial pour fous » à sa construction en 1878.

« Aujourd’hui est un jour triomphant pour moi, c’est un rêve qui se réalise », a déclaré Carol Dauphinais, une survivante de l’asile Woodlands, à une foule d’environ 150 personnes qui sont venues assister à la démolition de l’édifice à New Westminster.

« Je pensais que je ne verrais jamais le jour où cet endroit serait démoli », a-t-elle dit. « Cette démolition jettera les souvenirs dans la poussière, là où ils appartiennent. »

Mme Dauphinais a par la suite dit, dans une entrevue, qu’elle avait été placée à l’asile Woodlands lorsqu’elle avait 16 ans, après avoir habité dans une série de foyers d’accueil.

[Traduction] « Je suis morte des milliers de fois la première fois où j’y ai mis les pieds », s’est-elle rappelée. « Je n’avais aucune idée de ce qui se passait. » Le personnel lui avait dit qu’elle était retardée et que jamais ne serait-elle normale, a-t-elle ajouté. « Ils n’avaient pas besoin de me dire que j’étais retardée, mes parents me l’avaient clairement fait comprendre  », indique Mme Dauphinais. Lors d’un voyage hors de l’asile Woodlands pour rendre visite à un proche, en 1963, elle s’est enfuie et a prouvé à tout le monde qu’il avait tort.

« Je me suis déniché un emploi et j’ai travaillé pendant 33 ans », a-t-elle dit fièrement, en ajoutant qu’elle était même devenue déléguée syndicale pendant les années ode travail dans les hôpitaux.

Elle a indiqué qu’elle aimerait toujours obtenir des excuses du gouvernement pour la peur et les mauvais traitements qu’elle a subis pendant son séjour à l’institution, qui a fermé ses portes en 1996.

La tour du bloc cellulaire était le dernier bâtiment important du site, qui abritait près de 1 500 enfants ayant une déficience intellectuelle au plus fort de ses activités. Des enquêtes ont révélé que près de 20 % des enfants ont subi de l’abus physique, psychologique et sexuel systématique à l’établissement.

En 1897, l’asile a adopté un nouveau nom, celui de Provincial Hospital for the Insane (l’Hôpital provincial pour les fous). En 1950, alors qu’il commençait à accueillir des enfants ayant une déficience intellectuelle, ainsi que des fugueurs, des orphelins et des pupilles de la Couronne, l’institution a adopté le nom de Woodlands School (l’École Woodlands).

Le site fait maintenant l’objet d’un réaménagement à des fins résidentielles. Les autres bâtiments de l’institution ont été détruits dans un incendie en 2008.

Les survivants et les survivantes de l’école ont intenté un recours collectif en 2002; on s’attend à ce que 850 anciens élèves soient admissibles à une indemnisation. En 2009, gouvernement provincial a accepté de conclure un règlement avec les survivants et les survivantes de l’asile Woodlands d’une somme variant entre 3 000 $ et 150 000 $, selon le niveau d’abus qu’avait subi chaque personne.

Ce règlement a été conclu à la suite d’un rapport présenté par l’ancienne ombudsman de la Colombie-Britannique, Dulcie McCallum, qui a documenté les abus systématiques s’étant produits à l’institution.

Les tribunaux ont exclu les survivants et les survivantes qui ont été victimes de mauvais traitements avant le 1er août 1974, date à laquelle la Crown Proceedings Act est entrée en vigueur, qui conférait aux citoyens le droit de poursuivre le gouvernement de la Colombie-Britannique pour des actes répréhensibles.

Des défenseurs ont exhorté le gouvernement à ne pas tenir compte de la date limite de 1974 et à indemniser toutes les victimes de l’institution, mais. à ce jour, le gouvernement continue de refuser de le faire.

En août, le chef du Nouveau Parti démocratique de la Colombie-Britannique, Adrian Dix, a demandé au gouvernement à indemniser tous les anciens élèves de l’asile Woodlands qui ont été maltraités, pas seulement ceux et celles qui l’avaient été après 1974. 

« Aujourd’hui, les survivants et les survivantes de l’asile Woodlands assistent à la démolition du bâtiment du centre, où tant de personnes ont été victimes d’abus tragique et horrible, a indiqué M. Dix mardi dans une déclaration.

« Même si la démolition de ce site apporte un certain soulagement aux anciens élèves, elle ne met toujours pas fin à l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire de la Colombie-Britannique. »

Faith Bodnar, directrice exécutive de l’Association pour l’intégration communautaire de la Colombie-Britannique, a indiqué lors du rassemblement de mardi que la démolition de l’asile Woodlands « symbolise une sombre partie de notre histoire que nous ne devons jamais oublier, au sujet de laquelle nous devons continuer d’apprendre et à laquelle nous ne devons jamais retourner ». 

Bill McArthur, qui a vécu à l’asile Woodlands de 1964 à 1975, a indiqué, pendant qu’il se tenait devant la tour du bloc cellulaire, qu’il se souvenait encore de la peur de vivre dans l’aile 74, l’aile voisine.

À l’âge de cinq ou six ans, se souvient-il, on l’a déshabillé et laissé nu sur une terrasse ouverte en plein hiver.

Il s’est dit mécontent que le gouvernement n’ait même pas indemnisé le nombre restreint de survivants et de survivantes admissibles.

« Le gouvernement a ri de nous », a dit M. McArthur, qui était déçu que le gouvernement n’ait fourni des dossiers de l’asile Woodlands qu’à huit personnes pour les aider à appuyer leurs revendications.

« Le gouvernement a vendu ce terrain pour la somme de 18 millions de dollars, mais pas un sou n’a été versé aux survivants et aux survivantes », a-t-il dit.

« La seule façon de tourner la page sur ce qui s’est passé, c’est de permettre à toutes les victimes de réclamer l’indemnisation qu’elles méritent », a ajouté M. McArthur.

Le dernier vestige de l’asile Woodlands est un monument commémoratif qui a été érigé en l’honneur des personnes qui ont perdu la vie dans ce sombre endroit.

Continuer de tenir les provinces responsables

« Les provinces ont commencé à remplacer les institutions par des établissements plus petits. Elles se sont débarrassées du système des grands établissements et ont remplacé ceux-ci par des établissements plus petits. Tout le monde sait que les foyers de groupes constituent des institutions plus petites ».

— John Cox, survivant de la Nouvelle-Écosse

A map of Canada shows Manitoba, Ontario, and Nova Scotia highlighted in yellow.

Ci-dessous tu trouveras trois profils de province à explorer. Pour chaque profil, nous avons recueilli des renseignements sur les répercussions de l’institutionnalisation sur la vie des gens aujourd’hui. Chacune des provinces que nous avons décrites s’attaque actuellement à divers obstacles à la pleine inclusion et en est à différentes étapes de la désinstitutionnalisation. Cette enquête vise à te faire découvrir l’état de l’institutionnalisation dans diverses régions du Canada pour comprendre certains des principaux enjeux et ce qui doit encore changer.

Manitoba

En 2021, le gouvernement du Manitoba a annoncé la fermeture du Centre manitobain de développement (CMD). Le centre est une institution pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. Il est en activité depuis plus de 100 ans. Depuis plus de 30 ans, des activistes sensibilisent le public et tentent de fermer le CMD et d’autres grandes institutions au Canada. Au cours des trois prochaines années, plus de 100 résidents et résidentes s’installeront dans la communauté.

Ontario

En 1970, l’Ontario comptait 19 grandes institutions financées par l’État qui gardait enfermées 7 256 personnes ayant une déficience. En 2009, l’Ontario a fermé les portes de sa dernière institution. Récemment, de grands ensembles d’habitations collectives, des communautés isolées et des centres de soins de longue durée pour enfants handicapées ont été financés par les gouvernements et des promoteurs privés. En 2020, les Forces armées canadiennes ont attiré l’attention sur des exemples d’abus et de négligence dans les centres de soins de longue durée dans le cadre de son rapport présenté pendant la pandémie de COVID-19. L’histoire se répète-t-elle en Ontario?

Nouvelle-Écosse

Le 15 juillet 2020, CBC News a rapporté que le Breton Ability Centre avait entrepris la construction d’un nouveau « foyer pour enfants atteints du trouble du spectre de l’autisme ou d’une déficience intellectuelle » à Sydney River, en Nouvelle-Écosse. Les survivants et les survivantes et les activistes sont outrés de lire que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse appuie la construction de ce qui constitue essentiellement une nouvelle institution pour les enfants (de 2 à 18 ans). L’institutionnalisation est bien vivante du Canada.

Réflexions sur le module trois M3.V5

Dans cette vidéo, Nicole réfléchit aux apprentissages faits dans le module trois.

Étude indépendante

Le mouvement de la désinstitutionnalisation a remporté beaucoup de victoire et subi beaucoup de défaites. Toutefois, les survivants et les survivantes et leurs témoignages nous montrent que la route menant à la véritable inclusion en est une où les personnes handicapées exercent leur droit de vivre en société. Les avantages que confère le fait d’être un membre valorisé de la communauté sont innombrables, tout comme les possibilités de mener une vie heureuse et enrichissante.

Nous t’invitons à prendre un instant pour écouter le récit de M. Gord Ferguson (1948-2018). M. Ferguson est un pionnier des droits des personnes handicapées au Canada. Son dévouement à bâtir une meilleure vie pour lui-même et autrui, ainsi que son intégrité personnelle, faisaient de lui un bon ami, époux et enseignant.

Dans le cahier de l’élève (M3.6), nous avons inclus un court extrait du livre de M. Ferguson, intitulé, Never Going Back, dans lequel il parle de la fermeture du Centre régional Rideau (CRR), où il a passé 16 années de sa vie. M. Ferguson a tenté de s’échapper du CRR à 13 reprises.