Module deux : Le pouvoir des perceptions

« L’enfer. C’est ainsi que je le décrirais. C’était l’enfer sur terre. Le soir, ils criaient pour leur mère. »

– Simon Snyder, survivant de la Nouvelle-Écosse

Comment cela a-t-il pu se produire?

Dans le module un, des survivants et des survivantes et leur famille ont raconté leurs expériences de la vie en institution. Ils et elles ont aussi parlé des façons très intimes dont leurs souvenirs se font sentir sur leur quotidien. On nous a dit que les familles se sentaient accablées et impuissantes lorsqu’il s’agissait de prendre soin de leurs enfants. Elles se sentaient ainsi parce que les collectivités et les gouvernements ne fournissaient pas de services comme ceux que nous avons en place aujourd’hui. Nous avons aussi appris comment des centaines de familles ont été séparées de leurs enfants, qui avaient été envoyés vivre loin d’elles.  Les systèmes et les gouvernements qui avaient la responsabilité de prendre soin des personnes ont causé des souffrances indéniables.   

 

Dans le module deux, nous explorerons plusieurs facteurs sociaux et politiques qui ont permis la ségrégation systématique des personnes ayant une déficience intellectuelle au Canada. Ce module vise à explorer les éléments d’histoire qui ont influencé les gouvernements, les organismes et les familles à accepter l’idée que l’institutionnalisation était la meilleure façon de prendre soin des personnes. En examinant de près comment les perceptions à l’égard des personnes ayant une déficience ont mené à l’institutionnalisation, nous pouvons découvrir où les choses ont mal tourné. Pour ce faire, nous examinerons des preuves historiques de ces perceptions et les événements mondiaux survenus de 1800 à 1945. Les survivants et les survivantes ont clairement indiqué que l’institutionnalisation, qu’elle soit volontaire ou non, ne permettait pas aux personnes d’avoir une bonne vie. Dans le module deux permettra d’explorer comment l’institutionnalisation est toujours présente au Canada et l’incidence qu’elle a sur les personnes. Les répercussions émotionnelles et physiques de la ségrégation ne disparaissent pas avec la fermeture d’une institution.

Comment est née l’idée de l’institutionnalisation?

Il est important de savoir que les institutions ne sont pas apparues du jour au lendemain. En fait, les institutions sont très complexes à comprendre, À la fin du 19e siècle, les personnes que l’on qualifiait de « faibles d’esprit » étaient considérées à tort comme un grave problème social au Canada. Des personnes ont aussi été injustement blâmées pour des choses comme la pauvreté et l’itinérance. On disait aussi qu’elles avaient peu de rectitude morale. Les « faibles d’esprit » étaient perçus comme un fardeau pour la société que l’on devait éliminer. On jugeait que les institutions étaient la façon de remédier au problème. 

Ce n’est qu’une fois que nous aurons changé notre mentalité à l’égard de la déficience et qu’une fois que nous aurons mieux compris les personnes pour qui elles sont réellement que nous pourrons mettre fin à l’institutionnalisation au Canada. Cette transformation doit se faire au niveau de la société, de la collectivité et de la personne. Dans ce module, tu exploreras plusieurs facteurs qui ont contribué aux perceptions négatives à l’égard de la déficience. C’est en raison de ces perceptions que les institutions furent construites et qu’elles continuent d’exister.

L’influence de la science

La science n’est que l’une des principales sources ayant influencé notre perception de la déficience dans notre société. Au fur et à mesure que notre compréhension de la science s’agrandissait, le langage médical prenait lui aussi forme. Pour la première fois dans l’histoire, les scientifiques et les médecins possédaient maintenant le langage leur permettant d’étiqueter et de diagnostiquer des personnes. Même s’il s’agit d’un point positif à première vue, l’arrivée des étiquettes a entraîné l’émergence de ce qui était considéré comme « normal ». Peu de temps après, notre société a trouvé des mots pour décrire ce qui était « anormal » ou « délinquant ». Ces définitions de ce qui était « normal » et de ce qui était « anormal » étaient puissantes et ont influencé l’idée que l’on se faisait de ces personnes.1

La société avait maintenant une façon officielle de catégoriser différentes personnes. Par conséquent, les gouvernements se sont mis à concevoir des systèmes d’éducation et en soins de santé servant à contrôler et à surveiller les personnes « anormales ». Ces systèmes ont aussi été utilisés pour déterminer à quel point les personnes étaient différentes. À titre d’exemple de la fin des années 1800 au début des années 1900, les gouvernements et les scientifiques voulaient mesurer l’intelligence des personnes. Le système scolaire a été utilisé pour faire passer des tests à des enfants à les regrouper en catégories établies selon leur niveau d’intelligence. Ces renseignements étaient ensuite utilisés pour distinguer les enfants normaux de ceux « anormaux ».2

Nous voyons encore les répercussions de cette catégorisation dans les écoles aujourd’hui. Les élèves du secondaire dans les classes régulières sont regroupés en catégories dans leur niveau selon leur rendement scolaire. Ce qui est encore plus troublant, c’est que nous continuons de regrouper les élèves ayant des besoins d’apprentissage différents dans des classes séparées ou dites « spéciales ». Ce langage sous-entend que cette catégorie d’apprenants n’est « pas normale ». Cette façon de penser donne l’impression qu’il est acceptable de continuer à isoler les gens dans nos écoles. Les élèves qui reçoivent une éducation spécialisée sont souvent dans des salles de classe séparées, occupent des sections différentes de l’école et ont même des entrées séparées. Ils ont souvent leur propre horaire et prennent même des autobus distincts pour se rendre à l’école. Le fait d’être catégorisé de la sorte limite les cercles sociaux des élèves handicapés ainsi que leurs possibilités d’apprentissage et de participation à la communauté scolaire. La recherche montre que les élèves qui n’apprennent pas aux côtés de leurs pairs sont perçus par les autres élèves comme des personnes qui « n’appartiennent pas au groupe » ou qui sont « différents ». En vérité, l’institutionnalisation est bien vivante dans les écoles canadiennes.3

L’influence du capitalisme

Au moment même où le nombre d’institutions au Canada augmentait en grand nombre, le Canada commençait à se moderniser. Les gouvernements, les industries et la société dans son ensemble changeaient. Le Canada devenait une société capitaliste, qui accordait de la valeur à la productivité et à la croissance économique. La société au début du 20e siècle valorisait l’intelligence, l’ordre et l’efficacité. En fait, au cours de cette période, les personnes handicapées ont fait l’objet d’expériences au Canada et à l’étranger. Ces expériences ont alimenté les perceptions selon lesquelles les personnes ayant une déficience étaient moins qu’humaines. 

En outre, la révolution industrielle a encouragé la société capitaliste à se voir comme une grosse machine, les communautés, les écoles, les industries et les gouvernements étaient ses pièces mobiles. Pour atteindre la productivité, chaque pièce avait son rôle à jouer. Tout le monde devait travailler de façon coordonnée. Les personnes qui étaient considérées comme moins productives ou comme des membres moins actifs de la société ont commencé à être classées comme les « autres ». 

L’ère industrielle ne répondait pas aux besoins des personnes ayant une déficience intellectuelle. De nombreuses personnes aux bonnes intentions croyaient que les personnes handicapées se sentiraient mieux si elles étaient gardées à l’écart des attentes élevées de la société. Les institutions étaient considérées comme la solution.4 Le fait d’avoir des attentes moins élevées à l’égard des personnes handicapées limitait la perception qu’avait la société sur le véritable potentiel qu’avaient ces personnes. En fait, les expériences de survivants et de survivantes nous montrent que les gens peuvent accomplir de nombreuses choses quand nous reconnaissons leurs forces et que nous valorisons l’inclusion.5

L’influence des valeurs de charité

Les membres de la classe moyenne supérieure voyaient la pauvreté, la criminalité, la maladie mentale et la déficience comme d’importants problèmes sociaux auxquels il fallait s’attarder. Ils n’aimaient pas que les asiles, les prisons et les hôpitaux soient surpeuplés. Ils voyaient les conditions malsaines à ces endroits et ont donc voulu que des changements y soient apportés. Ils ont demandé que le gouvernement fournisse de meilleurs soins aux personnes vivant en marge de la société. La construction de nouvelles installations ou institutions était considérée comme une solution moderne et plus humaine. Des groupes de réforme sociale, dont des mouvements féministes, voulaient s’éloigner des asiles et ramener l’ordre et le respect quant aux soins de ces personnes . Ils voulaient également créer des lieux sécuritaires où l’on pouvait envoyer des personnes pour se faire traiter ou être réhabilitées. Il y avait un profond respect pour le pouvoir de l’éducation pendant cette période. La société croyait que les gens pouvaient devenir des membres productifs de la société grâce à l’éducation et à la formation.6

Les institutions étaient considérées comme des endroits où les Canadiens et les Canadiennes pouvaient recevoir des soins spécialisés et des services de réadaptation. Les pionniers de la santé voyaient ces installations spécialisées comme la voie moderne à suivre. Le film documentaire One On Every Street est un exemple de propagande qui a été utilisée par le gouvernement de l’Ontario pour donner l’impression au public que les institutions étaient un endroit où les personnes ayant une déficience intellectuelle pouvaient recevoir des soins avancés.  

Malgré de bonnes intentions, les groupes de bienfaisance et les croyances religieuses de l’époque ont renforcé l’idée fausse selon laquelle les personnes handicapées dépendent des autres. Leur désir de créer des endroits séparés a chassé les personnes à l’écart de la société « normale ». Il confirmait à tort l’idée selon laquelle les personnes handicapées étaient « mieux » dans des établissements séparés à l’écart de la collectivité. Aujourd’hui, on peut facilement voir comment la bienfaisance continue de jouer un rôle dans la façon dont les personnes handicapées continuent de faire l’objet d’une ségrégation. Les personnes qui voient les choses sous l’angle de la bienfaisance voient les personnes handicapées comme des victimes. Elles ont tendance à mettre l’accent sur ce qu’une personne ne peut pas faire et croient que les personnes handicapées ne peuvent pas s’aider ou mener une vie indépendante. Ce type de raisonnement est néfaste, car il prive les personnes de leur liberté et de leur autonomie.7

Prends un instant pour réfléchir. Quand tu vois une personne handicapée, te demandes-tu ce que son amitié pourrait t’ apporter? Ou vois-tu seulement une personne qui a besoin de quelque chose? Selon ta réponse, les faits que tu as appris pourraient être ou ne pas être le résultat d’un raisonnement institutionnalisé.

L’influence de la colonisation et de l’eugénique

La colonisation a également façonné la société canadienne et les perceptions à l’égard de la déficience. Nous savons, à la lumière de nos apprentissages sur l’histoire du Canada, que la colonisation a créé des systèmes permettant à des gens d’exercer un pouvoir sur d’autres personnes. Il existe de nombreux autres liens entre le traitement réservé aux peuples autochtones et aux personnes handicapées tout au long de l’histoire du Canada. Nous en parlerons davantage dans le module quatre. Ce qui compte, cependant, c’est de savoir que le pouvoir que les colonialistes ont acquis a permis aux gouvernements de prendre des décisions sur les façons de contrôler des groupes de personnes vues comme un « problème ». Les esclaves noirs, les Autochtones, les juifs, les immigrants non européens et les personnes handicapées ont été victimes de traitements barbares, car ils étaient considérés comme des personnes « problématiques » ou « indésirables ».

Les institutions étaient un moyen de contrôler et de séparer les personnes indésirables du reste de la société. Les gouvernements du Canada ont aussi contrôlé la population de personnes handicapées en privant les femmes ayant une déficience de leur droit d’avoir des enfants. Le mouvement eugénique était florissant en Europe et au Canada au milieu du 20e siècle. Le mouvement eugénique croyait à la théorie de la « survie du plus fort » de Darwin et voulait créer ce que l’on croyait être une race humaine productive. Les eugénistes ne voulaient pas que les personnes « inaptes » se reproduisent.

À la même époque où l’eugénisme était populaire au Canada, des groupes comme le parti nazi procédaient à des essais médicaux afin de trouver une façon d’éliminer les personnes handicapées de la société. Par exemple, le programme d’euthanasie nazi (qui porte le nom de code Aktion T-4) a été mis en place afin d’éliminer les « vies qui ne méritent pas d’être vécues » chez les personnes « malades et handicapées ». L’eugénisme n’était toutefois pas qu’une pratique nazie. En fait, on considérait que c’était une façon valable et acceptable de gérer le problème des personnes handicapées au Canada. Tommy Douglas, Alexander Graham Bell et Emily Murphy (membre des Célèbres cinq) étaient de fervents partisans de l’eugénisme. Des lois en Colombie-Britannique et en Alberta permettaient aux gouvernements de stériliser les femmes handicapées. De nombreux partisans de l’eugénisme ont exercé des pressions pour que l’on construise des institutions pour les « déficients mentaux », ce qui leur a permis de commencer à stériliser les résidents et les résidentes. Pendant plus de 45 ans, avant que les lois canadiennes ne soient modifiées, plus de 3 200 femmes de l’Alberta et de la Colombie-Britannique ont été stérilisées contre leur gré.8

Il est difficile d’imaginer comment des mouvements de défense des droits de la personne, comme les mouvements de défense des droits des femmes, pourraient faire pression et appuyer la création de lois et d’institutions qui rendent les femmes handicapées impuissantes. Cependant, cette horrible vérité illustre le pouvoir des perceptions et le déséquilibre du pouvoir qui existe entre les personnes ayant une déficience et celles qui n’en ont pas.9

L’héritage de la colonisation et du mouvement eugénique continuent d’influencer la perception à l’égard de la déficience. On utilise maintenant le terme « néogénisme » pour décrire une forme moderne de l’eugénisme. Le néogénisme comprend un éventail d’idées médicales, politiques et sociales. L’idée générale consiste à améliorer le genre humain d’une part, et d’éliminer la déficience et les différences, d’autre part. L’abrogation de la Sexual Sterilization Act en 1972 a officiellement mis fin au mouvement eugénique en Alberta. En 1986, la Cour suprême du Canada a tranché l’affaire Ève, qui rendait illégale la stérilisation de personnes n’importe où au Canada sans leur consentement. Cependant, les efforts visant à contrôler la sexualité et la reproduction des personnes handicapées sont encore très répandus aujourd’hui. Les tests de dépistage prénataux et l’avortement sélectif en sont des exemples. L’absence d’éducation et de connaissance sur la sexualité chez les personnes ayant une déficience intellectuelle contrôle aussi leur sexualité et leur reproduction.10 Tous ces exemples pourraient amener une personne à croire que les personnes handicapées ne sont pas voulues ou valorisées dans la société canadienne.

Pourquoi les Canadiens et les Canadiennes voient-ils encore la déficience comme un « problème »? Plus important encore, pourquoi les Canadiens et les Canadiennes croient-ils et elles que la déficience définit ce qu’une personne est capable de faire?

 

Examiner la cause et la conséquence M2.V1

Dans cette vidéo, Nicole approfondit le sujet afin de comprendre les concepts de cause et conséquence. Comment les idées sont-elles toutes interreliées?

Qu’est-ce qui influence nos perceptions des personnes?

Science Capitalisme Colonisation Bienfaisance
Cela a donné l’impression que les personnes handicapées étaient moins qu’humaines. Cela a donné l’impression que les personnes handicapées n’étaient pas productives. Cela a donné l’impression que les personnes handicapées étaient un problème qu’il fallait gérer. Cela a donné l’impression que les personnes handicapées n’étaient pas normales et dépendaient des autres.
Vérités qui portent à réflexion

Le langage que nous utilisons pour étiqueter ou pour catégoriser les personnes a une grande incidence sur la façon dont elles sont perçues.

Vérités qui portent à réflexion

Le fait de cerner les forces des personnes peut nous aider à trouver des possibilités en fonction de leurs forces.

Vérités qui portent à réflexion

Les personnes n’ont pas besoin d’être gérées. Elles doivent être appuyées individuellement et reconnues pour qui elles sont. La déficience ne définit pas ce qu’une personne est capable de faire.

Vérités qui portent à réflexion

Le fait de renvoyer à l’« âge mental » d’une personne ne prend pas en considération ses expériences vécues. Quand nous agissons POUR les personnes, nous limitons leur indépendance et leur choix.

 

Tu as appris jusqu’à présent comment la science, le capitalisme, la bienfaisance et la colonisation ont créé des perceptions négatives à l’égard de la déficience dans notre société. Ces perceptions ont encouragé la société à cette époque à construire des institutions pour les personnes ayant une déficience intellectuelle. C’est ainsi que les Canadiens et les Canadiennes handicapés ont été mis à part et isolés légalement. Pat Worth est un survivant du Centre régional de la Huronie. Il a dit (Traduction) « Une institution, ce n’est pas seulement un lieu, c’est aussi une façon de penser ».11 Cela signifie que les institutions ne se limitent pas aux murs de l’immeuble. Elles ont une incidence sur la façon dont les gens pensent et prennent des décisions. Des personnes demeureront institutionnalisées tant que d’autres entretiendront des perceptions négatives à l’égard de la déficience et ne verront pas la valeur de toute vie humaine.  

Bon nombre des idées et des croyances au sujet des personnes sont apparues en même temps. Ces idées et ces croyances ont façonné les perceptions des gens à l’égard de la déficience. Dans l’activité suivante, nous verrons comment les perceptions négatives à l’égard de la déficience continuent de se faire sentir dans la vie des personnes. Si nous voulons corriger les erreurs qui ont été commises dans le passé, nous devons comprendre l’opinion qu’a notre société de la déficience et remettre en question la façon dont le gouvernement choisit de soutenir les personnes et les familles. Une fois que nous l’aurons compris, nous verrons comment les personnes continuent d’être institutionnalisées aujourd’hui. Tant et aussi longtemps que notre société n’aura pas appris à voir les personnes au-delà de leur handicap, l’institutionnalisation continuera d’exister dans nos collectivités. En vérité, nous avons plus de similitudes entre nous que nous avons de différences.

L’incidence de nos blessures

Prenons un instant pour réfléchir au fonctionnement du cerveau humain. Il est dans la nature de l’humain de toujours porter des jugements sur les autres et surtout dans certaines situations. Par exemple, lorsqu’on rencontre une personne pour la première fois. La plupart du temps, on ne se rend même pas compte que l’on porte des jugements. Notre société nous enseigne des histoires sur des personnes qui influencent le jugement que nous avons à leur égard. Nos cultures, nos systèmes de croyances, nos expériences passées et les gens qui font partie de notre vie influencent les histoires que nous apprenons. Ces histoires peuvent être négatives ou positives, vraies ou fausses, et elles sont très difficiles à changer. Les jugements que nous avons sur les gens sont influencés par notre expérience avec elles, mais encore plus par les histoires que nous avons apprises à leur égard. Nous nous servons de cette information pour créer des stéréotypes. Les stéréotypes sont les images qui nous viennent en tête ou les idées que nous avons qui sont souvent trop simplifiés, mais largement reconnues .12

Fais-en l’exercice. Décris l’image qui te vient à l’esprit lorsque tu entends les mots suivants :
Adolescent ‒ Itinérance ‒ Immigrant ‒ Déficience

La plupart des gens décriront un stéréotype semblable pour chaque mot dans le cadre de cette activité.

Dans le module un et le module deux, nous avons exploré les façons dont les personnes handicapées ont été perçues, traitées et abusées. Ces vérités n’ont pas seulement existé dans le passé. Chaque jour, des personnes handicapées doivent surmonter des défis afin d’être reconnues pour qui elles sont réellement en tant que personne.

Dans le tableau ci-dessous, nous avons énuméré des préjugés et des stéréotypes très courants à l’égard des personnes handicapées. Nous avons aussi dressé une liste des commentaires que les gens qui entretiennent de tels préjugés pourraient dire. Nous énumérons aussi les répercussions de ces mentalités et le type de raisonnement qui est nécessaire pour changer ces perceptions négatives à l’égard des personnes. Consulter le cahier de l’élève (M2.3) pour passer aux questions à débattre.

 

Préjugé : Ce à quoi il ressemble souvent : Répercussions sur la vie des gens : Approches qui peuvent modifier la façon de voir des autres et mener à des expériences positives :
Une personne étiquetée comme handicapée est différente de moi. « Oh, les enfants de l’éducation spécialisée ne mangent pas à la cafétéria. » L’identité d’une personne se définit par son handicap. Les personnes deviennent membres d’un groupe et deviennent marginalisées. Les personnes sont connues pour leur handicap plutôt que pour ce qu’elles sont en tant qu’individus. « Invitons Thivjan et Rhianna à manger à la cafétéria avec nous. J’ai remarqué qu’ils ne s’y rendent rarement. Peut-être qu’ils ont juste besoin que quelqu’un les invite. »
Une personne ayant une déficience n’est pas capable OU est limitée dans ce qu’elle peut faire. « Mon élève, Ahmad, fonctionne à un faible niveau et a plusieurs défis. » Les personnes sont souvent privées de leur enfance ou d’expériences de vie qui mènent aux bonnes choses de la vie. « Ahmad aime vraiment rencontrer de nouvelles personnes. » Il peut parler à n’importe qui! Je me demande s’il aimerait m’aider à vendre des billets pour le bal des finissants de cette année en tant que membre du conseil étudiant? »
Une personne ayant une déficience est perçue comme une personne difficile ou un problème. « Nous ne sommes pas à l’aise d’inviter Bianca à cette sortie scolaire au cinéma sans que nous ayons de personnel supplémentaire qui puisse la superviser en cas de crise. Malheureusement, il n’y a pas suffisamment de personnel pour nous accompagner, alors Bianca ne pourra pas venir. » Il est très probable que les personnes ayant une déficience se verront privées de toutes sortes d’occasions, que les autres essaieront de s’en éloigner et qu’elles seront rassemblées avec d’autres personnes comme elles pour qu’elles puissent être gérées. Bianca adore les films et la classe a prévu une sortie scolaire au cinéma. Préparons Bianca et ses camarades de classe à ce qui se passera pendant cette sortie. Pensons à ce dont aura besoin Bianca et demandons-lui comment nous pouvons l’appuyer pour qu’elle puisse y aller. Demandons à quelques-uns de ses amis, et peut-être à son enseignant, l’assistante en éducation et/ou à des parents bénévoles d’aider à tour de rôle, au besoin. Peut-être que la directrice se joindra à nous et qu’elle offrira également du soutien.
Un adulte ayant une déficience intellectuelle est perçu comme un enfant. « Dustin a 18 ans, mais il a l’esprit d’un enfant de cinq ans. » Lorsqu’une personne est perçue comme un enfant toute sa vie, elle n’est souvent pas prise au sérieux. Les personnes ne sont pas traitées avec dignité et respect. On leur propose des activités enfantines toute leur vie. On les prive d’expériences et de responsabilités d’adultes, souvent parce que les autres veulent les protéger. Dustin a 18 ans et a par conséquent 18 ans d’expérience de vie. Cela compte. Il apprend peut-être plus lentement que moi, mais il a tout de même une expérience de vie et cela a une valeur.
Les personnes ayant une déficience sont perçues comme des personnes qui font pitié. « Ces pauvres personnes, quel type de vie peuvent-elles vraiment avoir? »

« Il faut être une personne spéciale pour travailler avec des personnes comme elles. »

Lorsqu’une personne ayant une déficience est perçue comme une personne dans le besoin, elle reçoit souvent de la pitié des autres. Cela empêche les gens de reconnaître les capacités de chaque individu. On arrive aussi plus difficilement à reconnaître les dons et les talents d’une personne. Les personnes qui reçoivent de la pitié sont souvent surprotégées par des gens aux bonnes intentions. Appuyer les personnes dans la dignité est un devoir et un privilège. Il est incroyable de voir les personnes être reconnues pour leurs précieuses contributions et leurs dons.

« Tu es un modèle d’inclusion. Tu dois faire face à des défis au quotidien, mais tu trouves un moyen d’être patient(e) et de voir le meilleur de chacun, et chacune. Que puis-je faire pour t’aider à éliminer des obstacles? Je veux que tu réussisses. »

 

Les expériences traumatisantes entraînent des blessures et des cicatrices. Ces cicatrices peuvent être physiques ou émotionnelles. Elles font souvent en sorte qu’une personne n’a pas beaucoup d’estime de soi et peuvent la hanter pendant le reste de sa vie. Par exemple, il existe des preuves selon lesquelles on arrachait les dents des résidents et des résidentes des institutions afin de les empêcher de mordre le personnel quand ils tentaient de se défendre. D’autres personnes ont été forcées à subir une thérapie par électrochocs. Ces traitements barbares étaient utilisés pour contrôler le comportement des personnes. Il est important de reconnaître que les expériences traumatisantes ne sont pas simplement qu’une chose du passé. Elles se produisent encore de nos jours, sous diverses formes. La longue histoire sombre et clandestine du Canada a laissé des personnes dans la souffrance, tandis qu’elles étaient enfermées et réduites au silence. Afin de comprendre l’ampleur de ces blessures, plusieurs survivants et survivantes se sont réunis pour raconter leur vérité. Ces vérités, qu’elles appartiennent au passé ou au présent, constituent une preuve de cette souffrance.

Dans la prochaine section, tu entendras les témoignages de neuf survivants et survivantes d’institutions au Canada. Leurs récits témoignent d’une force et d’une détermination incroyables. Chaque survivant et chaque survivante a subi des blessures. L’institutionnalisation a eu de nombreuses répercussions sur leur vie quotidienne. Dans les vidéos suivantes, nous mettrons l’accent sur les éléments suivants :

  1.  L’incidence de l’institutionnalisation sur l’identité d’une personne
  2.  La façon dont les personnes sont privées de pouvoir et de contrôle de leur vie
  3.  Ce que les personnes ont dû faire pour survivre

Leurs histoires peuvent être difficiles à entendre, mais chaque survivant et chaque survivante a choisi de raconter sa vérité afin d’éduquer les gens. Certains survivants et certaines survivantes expliqueront aussi ce qu’ils et elles ont fait pour reprendre leur pouvoir, pour retrouver leur identité et pour profiter d’une bonne vie dans la société.

Nous n’étions qu’un numéro

Les survivants et les survivantes parlent souvent de l’ennui et de la solitude intenses qu’ils ont éprouvés pendant leur vie en institution.

« Je ne me suis jamais bien sentie à l’institution. En fait, je m’y suis sentie vide. »

— Liz, survivante du Manitoba

Ton identité est unique et t’appartient. Elle est composée de deux parties. La première est la façon dont tu te perçois, tandis que la deuxième est définie par la perception que les autres ont à ton égard. Ton apparence, tes croyances, ton héritage culturel, tes forces et tes faiblesses, ainsi que les groupes auxquels tu appartiens sont autant d’exemples des éléments qui forment ton identité.  

Le fait de vivre dans une institution ou dans un lieu semblable à une institution a une incidence sur la façon dont les personnes sont perçues par la collectivité et sur la façon dont les personnes se perçoivent elles-mêmes. Lorsque les personnes ayant une déficience sont réunies en grand nombre et sont tenues à l’écart du reste de la société, les gens se forment des jugements sur ces personnes et émettent des hypothèses sur la raison pour laquelle on les garde à l’écart. 

L’institutionnalisation a aussi une incidence sur la façon dont les employés voient les résidents et les résidentes. En retour, cela a une incidence sur la façon dont les résidents et les résidentes se perçoivent. Dans les grands lieux collectifs , les personnes sont privées de leur identité et cela peut changer la façon dont les personnes sont traitées. Ce principe s’applique aussi dans nos collectivités.

Par exemple, tu entretiendras probablement de meilleures relations avec tes camarades de classe et ton professeur dans une petite classe universitaire contrairement à une grande classe. Lorsque la classe est petite, le professeur peut savoir si les étudiants ne comprennent pas la matière et peut apporter des ajustements à son plan de cours.  Il est toutefois impossible de faire la même chose lorsqu’il s’agit d’une classe composée de centaines de personnes, sauf si le professeur a un contact direct avec chaque étudiant. 

Le même principe s’applique dans des contextes comme les institutions, mais le risque de préjudice est beaucoup plus élevé. Les problèmes qui surviennent en milieu institutionnel sont moins susceptibles d’être remarqués lorsque les résidents et les résidentes sont rassemblés en grand nombre. Il s’agit d’une situation très dangereuse. Les témoignages des survivants et des survivantes montrent que cela a mené à la violence, aux agressions sexuelles entre les résidents et les résidentes, ainsi qu’à des agressions sexuelles entre les résidents, les résidentes et le personnel. Dans bien des cas, les survivants et les survivantes ne voyaient pas leur famille. Particulièrement lorsqu’on les envoyait vivre dans une autre province ou dans une autre ville. Lorsque cela se produisait, les personnes n’avaient aucun contact direct avec qui que ce soit à l’extérieur de l’institution qui pouvait défendre leurs intérêts ou signaler les incidents qui se produisaient. La ségrégation et l’isolement rendent les gens très vulnérables. 

Le fait d’avoir une bonne idée de qui on est comme personne vous confère une certaine confiance, ce qui permet d’être en mesure de mieux se défendre. Il est aussi très important d’avoir l’occasion de s’exprimer. Dans la prochaine vidéo, tu entendras les témoignages de survivants et de survivantes qui te permettront de mieux comprendre comment les institutions privent les personnes de leur identité. Tu apprendras aussi comment le fait de vivre dans la société par la suite a changé la vie de ces personnes.

Perspectives des survivants et des survivantes sur l’identité M2.V2

Dans cette vidéo, des survivants et des survivantes du Manitoba, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse explorent les façons dont l’institutionnalisation a privé les gens de leur identité.

Ils voulaient nous contrôler

Des milliers de Canadiens et de Canadiennes continuent de lutter pour que les personnes ayant une déficience intellectuelle aient droit à une vie libre, digne et dans laquelle on leur permet de faire des choix.

« Il nous était interdit de penser. Nous devions faire ce que l’on nous disait. Nous étions comme des robots. »

— Marie Slark, survivante de l’Ontario

L’adolescence est une période excitante de la vie, parce que vous commencez à faire des choix pour votre avenir. Vous explorez des idées de carrières, l’endroit où vous voulez habiter et les objectifs que vous voulez atteindre.  À de nombreux égards, vous avez peut-être une liberté considérable de faire des choix sur le style des vêtements que vous portez, sur les gens avec qui vous passez du temps ou que vous fréquentez, sur les aliments que vous mangez, sur les cours que vous suivez et sur la façon dont vous dépensez l’argent que vous gagnez. Cela étant dit, cela peut être frustrant de temps à autre, mais les adultes dans votre vie ont encore le pouvoir d’influencer les décisions que vous prenez et de prendre des décisions pour vous. Au fur et à mesure que vous vieillissez, la société s’attend à ce que vous ayez de plus en plus de contrôle sur les décisions que vous prenez jusqu’à ce que vous atteigniez l’âge adulte.

La société a toutefois des attentes différentes à l’égard des personnes ayant une déficience intellectuelle. L’histoire de l’institutionnalisation nous a enseigné un récit selon lequel il faut prendre soin des personnes handicapées et assurer leur sécurité. Cela signifie que ces personnes sont souvent vues comme un « enfant éternel » et que les gens qui font partie de leur vie doivent agir comme leurs parents. Même lorsqu’elles atteignent l’âge adulte, les personnes nous disent qu’elles n’ont pas le droit de choisir ce qu’elles veulent porter ou manger. Souvent, les activités sont planifiées par le personnel, et non par les personnes elles-mêmes, en plus de ne pas être adaptées à leur âge. Il peut donc être difficile d’établir des liens avec des personnes de son âge. Souvent, les personnes vivent une vie prédéterminée en fonction des horaires et des capacités des employés qui travaillent à leur domicile.

Dans les établissements institutionnels de plus grande taille, souvent, le nombre de choix que l’on offre à une personne est beaucoup moins élevé que dans les foyers où le nombre de personnes est plus faible ou que les cas où la personne reçoit du soutien pour vivre de façon autonome. C’est ce qui s’est produit pendant la pandémie de COVID-19. Un grand nombre de personnes dans les centres de soins de longue durée n’avaient pas accès aux nécessités de base. Il est important de reconnaître le principe selon lequel les établissements institutionnels n’habilitent pas les personnes avec les moyens de vivre leur vie à leur façon.

Dans la prochaine vidéo, des survivants et des survivantes parlent des façons dont on leur a retiré leur pouvoir et leur contrôle pendant qu’ils vivaient en institution.

Perspective des survivants et des survivantes sur le pouvoir et sur le contrôle M2.V3

Dans cette vidéo, des survivants et des survivantes du Manitoba, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse explorent les façons dont ils ont été privés de pouvoir et de contrôle dans leur vie pendant qu’ils vivaient en institution.

Perspectives des survivants et des survivantes sur le fait de vivre dans la peur M2.V4

Dans cette vidéo, des survivants et des survivantes du Manitoba, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse partagent leur vérité sur la façon dont ils et elles ont survécu à la vie en institution.

Les perspectives des survivants et des survivantes nous ont aidés à comprendre comment les institutions ont privé les personnes de leur identité. Cela laisse les gens sans pouvoir pour se protéger. Nous avons aussi commencé à comprendre comment le fait d’avoir un grand nombre de personnes qui vivent peut mener à des conditions déshumanisantes. Cela nous amène à la troisième façon dont les survivants et les survivantes ont subi les répercussions de l’institutionnalisation. 

Les témoignages des survivants et des survivantes nous apprennent que vivre sous une surveillance constante et dans la peur d’être puni ont laissé de profondes cicatrices chez les personnes. Dans un milieu conçu pour « gérer les personnes problématiques », les personnes ont dû (traduction) « apprendre rapidement qu’elles devaient se comporter comme si elles étaient surveillées ou pouvaient être prises sur le fait à tout moment ».13 Un membre du personnel ne regarde peut-être pas tout le temps, mais le fait de vivre dans la peur force les gens à se comporter comme si quelqu’un les surveillait en permanence. Il s’agit d’une expérience traumatisante et bon nombre de survivants et de survivantes souffrent maintenant d’un trouble de stress post-traumatique. 

Certains survivants et survivantes, comme Henry, ont tenté de protéger d’autres résidents et résidentes contre les châtiments et les abus. Dans certains cas, les résidents et les résidentes qui ont tenté de se défendre ou d’en défendre d’autres étaient considérés comme des fauteurs de trouble, des rebelles ou des personnes violentes. Ces genres d’environnement met les personnes dans des situations dangereuses. Les personnes n’ont pas le pouvoir de s’exprimer ou de se défendre; elles n’ont même pas le droit de dire « non ».

Questions à examiner

  1. Que pouvons-nous faire pour nous assurer que les personnes sont traitées dans la dignité et avec respect?
  2. De quels genres d’expériences de vie les personnes ont-elles été privées?
  3. Quel impact ces histoires ont-elles eu sur toi?

Réflexions sur le module deux M2.V5

Dans cette vidéo, Nicole réfléchit aux apprentissages faits dans le module deux.

Étude indépendante

Il est très difficile d’entendre les témoignages des survivants et des survivantes. Il est important que nous reconnaissions les souffrances que les personnes ont endurées et que nous apprenions des erreurs qui ont été commises par le Canada. Prends le temps de réfléchir à ce que tu as entendu et lu dans le module deux. Consulter le cahier de l’élève (M2.12) pour obtenir des questions et des activités de réflexion.

1.

M. Burghardt, Broken, p. 27-29

5.

M. Burghardt, Broken, p. 20-21

6.

Canadian Encyclopedia, Women’s Organizations, 2021. & Canadian Encyclopedia, Disability Rights, 2021.

7.

M. Burghardt, Broken, p. 14-17

8.

Eugenics Newgenics, University of Lethbridge, 2020. & M. Burghardt, Broken, p. 31-33

11.

Personnes d’abord du Canada, 2021.

12.

E. Baker-Tinsley, Consequences of Being Devalued, 2020 & W. Dr. Wolfensberger, 2011.

13.

M. Burghardt, Broken, p. 89