Profil provincial : Nouvelle-Écosse
Tout le monde veut un logement.
La crise des droits de la personne en Nouvelle-Écosse est alarmante.
Bon nombre d’entre nous tiennent pour acquis que nous sommes en mesure de prendre nos propres décisions sur l’endroit où nous vivons, avec qui nous vivons et ce que nous pouvons faire dans notre logement. Pour les adultes handicapés de la Nouvelle-Écosse qui ont besoin d’aide pour entreprendre leurs activités quotidiennes, ce n’est souvent pas le cas. Toutefois, une vie autonome et l’inclusion dans la collectivité ne sont pas une extravagance ou un luxe. Il s’agit d’un droit humain fondamental, garanti par l’article 19 de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées.
Notre gouvernement a l’obligation légale de fournir du et des services pour permettre aux personnes handicapées de se prévaloir de leur droit de vivre en société.
— Convention des Nations Unies sur les droits de la personne, article 19
La Nouvelle-Écosse échoue à ce chapitre.
En 2013, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a accepté les recommandations présentées dans le document intitulé Choice, Equality and Good Lives in Inclusive Communities : A Roadmap for Transforming the Nova Scotia Servicers to Persons with Disabilities Program (en anglais) et s’est engagé à mettre un plan en œuvre au cours des dix prochaines années. Ce document décrivait clairement la voie à suivre pour fermer les institutions et garantir que les adultes handicapés aient le soutien nécessaire pour vivre et participer à la vie en collectivité.
Mais nous voici, huit ans plus tard, et qu’a-t-on accompli?
On compte encore plus de 500 personnes en institution. Plus de 1 500 adultes vivent à la maison avec leurs parents et attendent toujours d’obtenir un logement adéquat .1 Lorsqu’il y a des ouvertures, la prochaine personne sur la liste d’attente reçoit habituellement un appel lui indiquant qu’une place est disponible et souvent, celle-ci ne dispose que de 24 heures pour accepter. Par conséquent, cette personne n’a habituellement pas le temps de visiter la place ou de rencontrer les autres résidents et résidentes. Il se peut aussi que cette occasion de logement se trouve à l’extérieur de la région. Cela signifie que les personnes doivent déménager loin de leurs amis et de leurs proches si elles acceptent le placement. Il s’agit d’une décision difficile à prendre pour les familles et souvent, les personnes se sentent isolées et seules. Le logement peut se trouver dans une autre région de la province, loin de la famille et des amis. Il s’agit de la réalité à laquelle il faut faire face en Nouvelle-Écosse.
Ressources
La vie en Nouvelle-Écosse M3.V4
CASE STUDY:
« La crise des droits de la personne en Nouvelle-Écosse »
(Traduction) « Je me contenterai de dire, cependant, que je ne peux pas m’imaginer à quel point il a dû être frustrant et déchirant pour Mme MacLean de vivre dans l’espoir et de voir cet espoir être détruit, jour après jour. Je ne peux pas m’imaginer à quel point il a dû être frustrant pour les bons et loyaux fonctionnaires de la province, tous et toutes ayant à cœur le bien-être de Mme MacLean, de voir leurs opinions et leurs conseils être ignorés en 2002 et pendant les 13 ou 14 années suivantes. La province a accueilli leurs plaidoyers avec une indifférence qui devient réellement, après tout ce temps, un outrage. »
— Le juge Walter Thompson, conseiller de la reine2
La Nouvelle-Écosse a une longue et honteuse histoire d’institutionnalisation de personnes ayant une déficience intellectuelle. Peu de mesures ont été prises par le gouvernement provincial pour apporter des changements et, par conséquent, on assiste à une crise des droits de la personne en Nouvelle-Écosse à l’heure actuelle.
Le 1er août 2014, trois personnes qui avaient été institutionnalisées en Nouvelle-Écosse ont décidé qu’elles en avaient eu assez. Elles se sont regroupées et ont déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse. Ces trois personnes avaient été victimes de discrimination et de mauvais traitements depuis leur enfance.
En 1981, alors que Beth MacLean était âgée de dix ans, ses parents se sont fait dire qu’elle n’était plus la bienvenue dans le système scolaire public. De 1983 à 1986, Beth a été envoyé d’une institution à une autre, jusqu’à ce qu’elle soit transférée au Kings Residential Rehabilitation Centre. Mme McLean y a passé près de 15 ans. En octobre 2000, Mme McLean a été transférée à un hôpital psychiatrique. On s’était donc engagé à lui trouver un logement dans sa collectivité au cours de l’année suivante. Lorsque la plainte relative aux droits de la personne a été déposée, en 2014, elle vivait toujours dans cet hôpital. Mme McLean est demeurée en institution pendant 14 années supplémentaires.3
Sheila Livingstone a été transférée dans le même hôpital psychiatrique qu’elle en 2014 afin de stabiliser sa santé mentale. Avant son déménagement à l’hôpital, elle menait une vie heureuse dans un logement subventionné de sa collectivité. Lorsque son état s’est stabilisé et qu’elle fut prête à retourner dans la collectivité, on a dit à Sheila que son fournisseur de service de garde en établissement n’avait plus de place pour elle. Elle est restée à l’hôpital pendant les neuf années suivantes, même si elle n’avait plus besoin d’intervention médicale ou psychiatrique. Au cours de ces neuf années, Sheila a été victime de multiples agressions commises par d’autres patients. En 2014, elle a été transférée dans une institution située dans une autre région de la province, où ses proches avaient de la difficulté à lui rendre visite en raison de la distance qui les séparait.4
Joseph Delaney a été admis dans le même hôpital en 2009 après avoir eu une réaction indésirable à un médicament. Puisque les besoins de M. Delaney en matière de soins étaient maintenant différents, son ancien fournisseur de service de garde en établissement ne pouvait désormais s’occuper de lui. Par conséquent, M. Delaney n’avait plus de chez-soi. En 2010, il a obtenu son congé de l’hôpital, mais, sans puisqu’il n’avait pas d’endroit où aller, il est demeuré à l’hôpital dans l’attente d’être placé ailleurs.5
La plainte a finalement été déposée devant une commission d’enquête en février 2018. En mars 2019, la commission a conclu que les trois personnes avaient été victimes de discrimination. Sheila Livingstone n’a jamais eu l’occasion de célébrer cette décision — elle est décédée en 2016.
Plus tard cette même année, une décision sur l’indemnisation a été rendue. Même si la commission reconnaissait à quel point il « avait dû être frustrant et déchirant »,6 elle a accordé à chacun des survivants et survivantes plaignants une indemnisation de 100 000 $ pour leurs années de souffrance et de discrimination. La commission a toutefois indiqué que (traduction) « la déficience de Joey Delaney est tellement grave qu’une somme importante n’aurait pas eu plus de répercussions sur sa vie qu’une somme modérée. Malgré la capacité de Beth MacLean, elle ne pourrait tirer qu’un avantage potentiel limité d’une indemnisation très importante. » 7
La commission a finalement fait preuve de discrimination à leur égard une deuxième fois, en laissant entendre que la déficience de ces personnes les rendait incapables de tirer le même avantage d’une indemnisation financière qu’une personne non déficience.
Même si la commission a conclu que ces trois plaignants avaient été victimes de discrimination, elle n’a pas reconnu que cette discrimination était systémique. De nombreux Néo-Écossais handicapés font l’objet d’une discrimination systémique tous les jours.
La décision se lit comme suit : (Traduction) « La situation de chaque personne handicapée doit, à mon avis, être évaluée au cas par cas, puis une décision doit être prise. » Mais il a fallu plus de sept ans pour examiner la situation de trois personnes. Cet examen n’était toujours pas terminé en avril 2021. La province a interjeté appel de l’attribution des dommages-intérêts et les Néo-Écossais attendent toujours l’issue de cet appel.
Plus de 500 personnes sont toujours en institution en Nouvelle-Écosse. Il n’est pas réaliste de sous-entendre que le cas de chaque personne doit être examiné au cas par cas pour déterminer si elle a été victime de discrimination. Cela prendrait des décennies!
L’une des plaignantes dans cette affaire est décédée avant même de connaître son issue et bon nombre des personnes qui sont institutionnalisées à l’heure actuelle connaîtraient le même sort si elles étaient obligées d’ attendre que tous ces cas soient examinés un par un.
Questions qui portent à réflexion :
- Qu’est-ce qui t’a le plus choqué dans ce que tu as appris sur les institutions en Nouvelle-Écosse?
- Quelles questions aimerais-tu poser?
- De quels droits de la personne a-t-on privé les gens en Nouvelle-Écosse?